samedi 7 décembre 2019

Li jacoubis volou escafa la Franço souto la Republico

En remplaçant regious per prouvìncios san d'acòrdi.

La France et la République

On dirait que tout à été fait afin de diluer la France dans la République. Et cela à partir du nom officiel de la France, qui n’est ni « République de France », ni « France républicaine », mais bien République française. La France vient alors après la République, laquelle se révèle être le vrai sujet, le soulignant avec un grand « R », tandis que la France devient un attribut, avec un petit « f ».
Cette surprenante « exception française » a fait peu d’émules dans le monde. La petite Géorgie, par exemple, se nomme République de Géorgie et non pas « République géorgienne ». Le Mali se nomme République du Mali et non pas « République malienne ». Le Brésil s’appelle République fédérative de Brésil et non pas « République fédérative brésilienne ». Ces trois exemples, qui sont loin d’être des exceptions, nous montrent que c’est le pays qui devrait primer sur le régime qui le sert et non pas l’inverse, tandis qu’en France la nation est strictement subordonnée au régime républicain. Autant dire que la France serait née en 1792, et que les Français aiment tellement la République qu’ils ont en voulus pas une, pas deux, mais cinq, et que certains en voudraient même une sixième. Ah, ces Français ! Jacques Bainville n’en pensait pas moins quand il écrivit, dans son magnifique Histoire de France  : « Il y a toujours eu, en France, des éléments d’anarchie. D’époque en époque, nous retrouvons de ces violentes poussées de révolution, suivies, tôt ou tard, d’une réaction aussi vive. » (p. 67).
Et pourtant, la France n’a pas toujours été une république, loin de là. Elle fut également royaume et empire, devenant ainsi l’un des seuls pays au monde à avoir connu ces trois régimes politiques au cours de son histoire. Mais la République, avec ses valeurs régulièrement brandis à tort et à travers, ne détient pas le monopole de l’Histoire. Il y a une autre histoire de France que la République née des convulsions de 1789 a toujours tenté d’occulter pour mieux se légitimer – celle des régions qui font la France.

Eradiquer

L’argument des contre-révolutionnaires est connu. Pour asseoir son pouvoir, se légitimer et éviter le retour de la monarchie, les révolutionnaires républicains auraient détruit les provinces historiques et centralisé les pouvoirs à Paris. Cette version est en partie vraie, mais simpliste. Le processus de centralisation français a débuté bien avant la république, et on peut affirmer qu’il fait partie de l’histoire du pays, notamment de celle de la dynastie des Capétiens. Chaque roi a contribué à centraliser pouvoirs et culture sur la capitale afin de mater les frondes, les tentatives de sécession et les fiefs vendus aux puissances étrangères. Louis XI utilisa la diplomatie et les traités, François I la langue de l’administration, Louis XIV construisit Versailles pour y enfermer la noblesse.
La centralisation monarchique ne visait cependant pas les coutumes locales et les langues régionales, mais plutôt l’administration et la défense de l’intégrité territoriale. Les régions historiques de France ne furent effectivement démantelées qu’avec la création, en décembre 1789, des départements. Ce fut la fin des autonomies locales ; le décret disloqua les populations dans le but de les déraciner et, une fois la monarchie abolie, mieux les assimiler à la République des Jacobins. C’est là que débute la guerre de la République aux régions.

Des découpages déracineurs

La bataille entre les centres et les périphéries fait rage depuis. La IIIème République se donne comme objectif d’accomplir ce que la Ière n’avait pas eu le temps et les moyens pour le faire : bâtir une France homogène. Jules Ferry arrache de force les enfants aux parents et aux curés pour les scolariser dans les écoles républicaines. Ils y apprennent non seulement à lire, écrire et faire de comptes mais également à être de bons républicains en une France où les langues régionales, mauvais souvenirs des monarchies, doivent disparaître. C’est la fin du XIXème siècle, et la situation est admirablement décrite par Maurice Barrès dans son Les Déracinés.
Aujourd’hui la bataille n’est pas terminée. Les héritiers des Jacobins mènent une guerre contre la France et ses régions historiques au nom d’une conception détournée de l’universalisme des Lumières. Pour beaucoup d’entre eux, le Français vivant en province n’est qu’un bœuf dont il est tout à fait légitime de se moquer et méfier – on l’a bien vu avec la crise des Gilets jaunes. Alors, pour éviter qu’il parle et répande son ignorance, autant le faire disparaître ou le réduire à une caricature folklorique à prendre en photo lors d’un weekend en famille. Autrement dit, le rendre inoffensif et docile.
L’énième et très contestable redécoupage territorial, celui voulu par François Hollande en 2014 et effective depuis janvier 2015, est un exemple très clair de cette démarche visant à abolir toute sorte d’identité régionale et, donc, de sens d’appartenance. En 2019 il n’y a plus de Picardie, d’Alsace, de Provence ou de Languedoc-Roussillon. Ces régions ont été assassinées après des années de tortures. Tout d’abord, moquées à cause des accents de leurs gens, de leurs coutumes jugées rétrogrades, de leur éloignement de la capitale. Ensuite, vidées de leurs populations. Enfin, leurs cadavres dépecés et rebaptisés avec les noms les plus gris et moches possibles. Il n’y a plus de Picardie ni de Flandres : c’est le Hauts-de-France. Il n’y a plus d’Alsace et Lorraine : c’est la Région Grand Est. Il n’y a plus de Limousin : il a été liquéfié dans la Nouvelle Aquitaine.
La réforme, ont-ils argumenté, avait comme objectif de rendre plus dynamiques et compétitives les nouvelles régions afin de peser davantage au niveau européen et de faire des économies. François Hollande rêvait, avec la légèreté que nous lui connaissons, et rien n’a fonctionné, à commencer des dépenses publiques.

Sauver les régions pour sauver la France

Mais alors que sera la France ? Un ramassis de cadavres, un pays de tourisme et de villes-monde gentrifiées, un pays difforme et où les seules manifestations culturelles locales admises seront celles décidées par les conseils départementaux, qui seront devenus entre-temps des fiefs du pouvoir parisien ? Une France caricaturale et aux campagnes en carton-papier, celle de Michel Houellebecq dans son La carte et le territoire. Vidées de ses communautés, avec des régions administratives froides et sans âme.
La réforme du lycée voulue par le ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer va dans cette direction, défavorisant l’enseignement des langues régionales, jugées désormais dépassées et anachroniques en un monde dominé par l’anglosphère. Classées pour la plupart en danger par l’UNESCO, elles ne semblent pas être parmi les préoccupations des gouvernements qui se sont succédés aux manettes de la République.
C’est pour cela que nombre d’associations, mouvements et partis politiques se sont mobilisés dans toute la France. Samedi 30 novembre, plusieurs centaines de militants et sympathisants d’associations pour la sauvegarde du patrimoine culturel et linguistique de la Provence se sont donnés rendez-vous à Arles, ville chère à Frédéric Mistral, prix Nobel de littérature en 1904 et auteur de l’inoubliable épopée Mirèio.
Organisée par le Collectif Prouvènçol’Union provençale et la Confrérie des gardians, la manifestation a vu la participation également du parti politique Prouvènço Nacioun, dont les membres militent pour l’autonomie de la Provence.
Car cette Provence-là n’en finit plus d’être attaquée, tout comme le sont les autres régions aussi. Sa Côte-d’Azur suffoque sous les coulées de béton. Les périphéries de ses villes et villages sont défigurées par la laideur des grandes surfaces et des HLM. La création de crèches provençales, avec leurs précieux santons, dans les espaces publiques est toujours source de débats épuisants et creux.
La tauromachie, enfin, court actuellement un réel danger de disparition à cause des coups de marteau des névrosés antispécistes et prétendus progressistes de tout acabit qui, sous couvert de protection de l’enfance, veulent interdire aux mineurs d’assister aux corridas. Ce projet de loi est porté notamment par Mme Samantha Cazebonne, députée LERM qui affirme agir pour éviter que les enfants soient traumatisés. Ah bon ? Cachez-moi ces taureaux que je ne saurais voir ! Touche pas à mon moustique  ! Nous ignorions que les adolescents étaient obligés à participer aux corridas afin de les traumatiser…
Ainsi va la France, on bombarde certains pays au nom des sacrosaints Droits de l’Homme et on interdit les corridas et, demain, les courses camarguaises et landaises au nom de la protection de l’enfance.
Mais que veulent-ils, enfin ? Une Provence en carton papier ? Une Camargue vidée de ses manades, où seules les visites guidées au milieu des marécages sont admises. Des Alpes aux sentiers pavés et aux villages certifiés bio et végans. Des champs de lavande en fleur été comme hiver. Des crèches bien cachées au fond des jardins pour ne pas déranger la sensibilité des non-croyants. Un peuple mou, souriant et folklorique. Une Provence pour les touristes et les riches.
Mais si la Provence eût été ainsi, elle n’aurait pas pu produire Frédéric Mistral, Paul Cézanne, Edmond Rostand, Joseph d’Arbaud, Marcel Pagnol, Alphonse Daudet, Darius Milhaud, Pierre Magnan et toute la longue liste d’artistes qui ont tant donné à la France.
Non. La Provence et les autres régions historiques de France méritent mieux que ces larves qui prétendent dicter leurs lois apprises par les bouches d’autrui. Ils veulent laisser crever le picard, le provençal, le breton, le gavot, le chti, le béarnais pour mieux les remplacer avec un français appauvri et truffé de globish ? C’est leur affaire. Nous, on n’en veut pas de ce pays-là, de cette idée biscornue et sans saveur d’une France vide et individualiste, nombriliste et déracinée, sans histoire et, donc, sans futur.
C’est alors aux peuples des nations de France de prendre leur destin en main, de relever le flambeau de ces régions historiques et de se réapproprier leurs traditions. Il est alors nécessaire de reconnaître et valoriser les langues et cultures régionales afin de revaloriser la France. Car préserver les régions historiques équivaut à faire vivre la France.

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Rassemblement à Arles, 30 novembre 2019 (photo de l’auteur)
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Une tradition toujours vivante (photo de l’auteur)


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